François Bayrou – Le Béarnais qui a gravi l’État sans quitter la terre
De Bordères à Matignon, un parcours droit comme un cep de Jurançon.
Le prof du coin devenu homme d’État
Ici, on le croise au marché de Pau, saluant d’un signe de tête ceux qui le tutoient depuis quarante ans. François Bayrou, c’est un nom connu dans toute la France, mais un accent qu’on reconnaît chez nous. Né à Bordères, entre les champs de maïs et les coteaux, il a gardé cette allure de paysan lettré, celui qui parle avec des mots de philosophe mais des gestes d’agriculteur.
Avant les micros et les tribunes, il y eut la craie et le tableau : professeur de lettres classiques, agrégé à vingt-trois ans, il aurait pu rester dans les salles de classe à décliner les verbes latins. Mais le destin avait d’autres plans pour lui – et le Béarn aussi.
Son père, exploitant agricole, meurt accidentellement en 1975. Ce drame le marque à jamais. Il reprend la ferme familiale tout en enseignant : deux vies en parallèle, le sillon et la syntaxe. Peut-être est-ce là que s’est forgé son sens du devoir, ce mélange de racines et de rigueur qu’il n’a jamais renié. “Plus profondes sont les racines, plus fort est l’arbre”, répète-t-il souvent. Chez lui, ce n’est pas une devise, c’est une manière de vivre.
Du canton au Capitole
À la fin des années 1970, il entre en politique locale. Conseiller général, puis député des Pyrénées-Atlantiques en 1986, il grimpe les marches de la République sans jamais renier son accent ni son attachement à son pays. En 1992, il prend la présidence du conseil général – autant dire qu’il devient le capitaine du Béarn. Les anciens s’en souviennent : un élu de terrain, présent aux comices agricoles comme aux réunions de village, capable de citer Montaigne le matin et de parler brebis l’après-midi.
Ceux qui le connaissent savent : Bayrou n’a jamais couru après les honneurs, mais après l’équilibre. Centristes, les uns disent ? Oui, au centre, comme ces vieux hêtres du piémont : solides, enracinés, mais souples sous le vent. C’est cette posture qui le propulsera à Paris, tout en lui valant parfois des moqueries. “Trop moraliste”, disaient ses adversaires. “Trop béarnais”, ajoutaient les Parisiens. Il faut croire que c’est une qualité : en 2007, il frôle le second tour de la présidentielle, rassemblant près d’un cinquième de la France derrière lui.
Ministre, maire et Premier ministre : le Palois à toutes les sauces
Ministre de l’Éducation nationale dans les années 1990, président de l’UDF puis fondateur du MoDem, député européen, garde des Sceaux, et enfin Premier ministre en 2024… Peu de Béarnais auront laissé autant de traces à Paris. Et pourtant, malgré les ors de la République, il n’a jamais coupé le lien avec sa terre.
Maire de Pau depuis 2014, réélu en 2020, il a redonné souffle à la ville : rénovation du cœur ancien, tramway moderne, revalorisation du boulevard des Pyrénées et des coteaux du gave. À chaque inauguration, il y a toujours ce même mot, simple : “Pau mérite le meilleur.” Et dans sa bouche, ça sonne comme une promesse.
Il aime rappeler qu’ici, entre la montagne et la mer, on sait garder la tête froide et le cœur chaud. Ses adversaires le disent têtu, ses proches loyal ; les Palois, eux, parlent d’un homme qui, quoi qu’on pense de ses idées, a toujours défendu sa ville comme un bastion. De la mairie au sommet de l’État, il n’a jamais cessé de faire l’aller-retour entre Pau et Paris, comme un pèlerin du civisme béarnais.
Les tempêtes et les racines
Bien sûr, la carrière de François Bayrou n’a pas été un long gave tranquille. Affaires, polémiques, tempêtes médiatiques – il en a traversé plus d’une. Des assistants parlementaires européens à l’affaire de Bétharram, les coups n’ont pas manqué. Mais, fidèle à lui-même, il encaisse, s’explique et repart au travail.
Ses partisans y voient un homme d’honneur, ses détracteurs un survivant politique. Mais rares sont ceux qui lui contestent cette force tranquille, ce mélange de foi, de fierté et de ténacité qui fait penser à nos vieilles pierres : un peu usées, peut-être, mais inébranlables.
Quand on l’écoute parler du Béarn, on sent que ce pays-là n’est pas un simple décor de carte postale. C’est son socle. “Le Béarn, dit-il, c’est l’endroit où l’on peut rêver d’Europe en gardant les mains dans la terre.” Et ça, c’est bien vu.
Le VIP du Béarn… mais à sa manière
Aujourd’hui encore, entre deux dossiers de la mairie ou un débat national, il n’est pas rare de le croiser sur la place Clémenceau, échangeant une poignée de main ou une blague avec un ancien élève. Il reste cet homme que beaucoup appellent simplement “François”, sans autre protocole.
Pour certains, il incarne la modération et la raison ; pour d’autres, la fidélité et la patience. Pour tous, il demeure un symbole : celui d’un Béarn qui parle fort mais pense juste, qui s’engage sans se renier, qui monte jusqu’à Matignon sans perdre le goût du fromage de brebis.
En guise de conclusion…
De Bordères à Paris, de la salle de classe aux ors du pouvoir, François Bayrou a vécu mille vies sans jamais quitter la sienne. Il aura été professeur, ministre, maire, Premier ministre – et toujours Béarnais.
Chez nous, on dit souvent : “Quand le vent du gave souffle, il emporte les feuilles, mais pas les racines.” Lui, c’est un peu pareil. Qu’on l’aime ou qu’on le critique, il incarne cette ténacité tranquille, ce mélange de cœur et de tête qui fait la noblesse du pays.
Alors oui, François Bayrou est un VIP du Béarn, pas qu’un peu.
Mais surtout, il reste un homme du pays – celui qui, au milieu du tumulte politique, n’a jamais cessé de regarder les Pyrénées.